58 - Régine

Elle faisait penser à une mère maquerelle.
 
Elle avait, jusque dans son extrême vieillesse, des allures de tenancière de bordel.
 
Avec ses dorures dans la chevelure, son maquillage de chouette, son parler franc, elle n’avait peur de personne. Pas même des intrus et des malotrus qu’elle recevait d’un verbe cru.
 
Ses mots étaient chargés du plomb de ses pensées légères.
 
S’adonnant à de l’art douteux, elle menait une vie de paillettes, semée de quelques pépins, sous le ciel de Paname.
 
Et se faisait une gloire de ses soirées de cirque. Ce qui, à ses yeux, donnait un sens à son destin de cotillons.
 
Elle scintillait de ses feux factices et de ses fards authentiques. Et éclairait le monde comme une lune rutilante, trônant au coeur de ses nuits pleines de néons et de néant.
 
C’était un oiseau de ville à la gouaille de gaillarde, un hôte clinquant des quartiers d’artifices, une flamme de toc et de paille s’allumant au crépuscule et s’apaisant à l’aube.
 
Elle s’apparentait à une fleur artificielle de Paris, un peu défraîchie, trainant ses couleurs frelatées sur le pavé des éternelles illusions.
 
Elle faisait tourner les têtes, les serviettes et les assiettes. Son business florissant a fait la légende de la capitale, de mémoire de touristes !
 
Elle fut la reine de la France nocturne, l’asile des pigeons de la Tour Eiffel, la providence des fêtards fouettards, le dernier refuge des noctambules qui ondulent...

Bref, la poire pour le soir, la chaleur au bout de la rue, la lumière dans le noir, c’était Régine.

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57 - Vangelis

Vangelis, c’était la voix du ciel descendue sur Terre.
 
C’est à dire, le chant des élus venu des nuages, le luth dans les volutes, la trompette des prophètes.
 
Le musicien des âmes éveillées s’est éteint ici-bas. Pour renaître ailleurs, s’envoler loin de la matière, haut dans l’esprit, plus près du bleu, du beau, du clair. Dans cet univers inconnu si proche de nos rêves...
 
Bref, son oeuvre est accomplie, sa mission est terminée, les étoiles applaudissent.
 
Et les anges acquiescent.
 
Le monde a gagné quelques airs, plus de légèreté, des étincelles de divinité.
 
Ce créateur de pur éther incarnait le son du frisson, le sens de l’essence, la conscience du Cosmos.
 
Il maitrisait l’art de la lyre aérienne, cette lumière qui sert à allumer les hommes. En levant simplement la tête, en élevant son regard et en osant s’engager hors des sentiers battus de la musique, il a su capter d’extraordinaires fleurs célestes et en restituer les parfums à notre siècle incrédule.
 
Il a réussi à faire surgir des cordes de ses instruments électroniques d’étranges beautés astrales. Des joyaux d’accords remontés de profondeurs sidérales. Des murmures de vagues issues d'océans mystérieux.

Il était le feu électrique de la guitare et le vent sacré de la flûte, le souffle vital du piano et la brise du sentiment spirituel.

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56 - Jackson Pollock

Jackson Pollock, le peintre des surfaces mentales et des cadres bordés d'horizons, dont les arabesques sont aussi claires qu'un ciel d'été, a su mettre à la portée de nos regards des soleils noirs et des brumes infinies.
 
Sous ses jets précis de matière sur la toile naissent des astres, des lignes et des courbes comme des mondes à l'intérieur d'eux-mêmes, à travers un savant jeu fractal où mille formes, comme autant de visages, de paysages ou de nuages, jaillissent et se font écho dans une chorégraphie picturale fulgurante.
 
Non pas avec sens, mais avec art.
 
Vasques imbrications d'univers cérébraux dynamiques ! Du bout de son pinceau, parfois simple bâton d'où s'écoule la peinture, l'artiste fait exploser l'espace et l'embrase de sa lumière.
 
Ses oeuvres sont des flammes d'harmonie où les profondeurs et les sommets se rejoignent à travers un feu galactique qui n'en finit pas de brûler dans l'oeil de l'observateur.
 
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55 - Claude Monet

Monet, c’est du ciel dans l’herbe. De l’azur sur la terre.
 
L'histoire folle, jamais osée, de la clarté logée au fond des bois, illuminant le lointain, débordant des couleurs, émergeant des formes, inondant la toile.
 
De l'éclat sur le blanc autant que sur le noir. Du jour qui se répand sur le monde, à toutes les heures.
 
De la luminosité partout, même dans l’ombre.
 
Ses peintures sont aussi miraculeuses que des photographies réussies.
 
Ses tableaux ne brillent pas, ils éclairent. Ce ne sont pas des soleils mais des lueurs. Des rayons subtils. Des reflets d’eau. Des rêves dorés.
 
Ce sont des miroirs de la vie qui matérialisent les flammes de l’air, le feu des choses, l'âme des journées. Ses huiles restituent le bleu de l'aube, l'ardeur du midi, la délicatesse du crépuscule. L'essence des instants à la fois fugitifs et intemporels.
 
Sous le pinceau inspiré de l'hôte de Giverny, naît la féerie des apparences. Autrement dit, il montre le réel selon ses différents points de vue... En cela il imite peu et révèle tout.
 
Chez lui, là où l’image se dévoile, la lumière se déploie.
 
Monet, en un mot, donne un nouvel éclairage à l’essentiel.

Le sien.

54 - Les frères Bogdanoff

Ils brillaient comme deux prunelles sur un visage. S’imposaient ainsi qu’une double pépite d’intelligence. Incarnaient les yeux accordés d’un regard plein de lumière.

Ils formaient un duo mais ne montraient d’eux qu’une seule et même face : celle de la pensée radieuse et de la vérité exacte.
 
Cette paire d’encéphales symbolisait la partie solaire de l’Homme.
 
Chacun était un cerveau unique doublé de son propre reflet. De cette association résultait un système en miroir, à l’image des étoiles binaires qui gravitent entre elles pour réfléchir encore plus dans le ciel.
 
Animés des meilleurs sentiments, l’imaginaire leur montrait la voie à suivre et la raison guidait leurs pas. Aussi éclairés que poètes, ils avançaient avec audace, décollaient avec légèreté du sol des certitudes puis s’envolaient à vitesse folle vers l’inconnu.

Ils gardaient certes leur esprit critique en toutes circonstances mais, parce qu'ils étaient également croyants, ils voguaient dans leurs hautes théories l’âme toujours confiante.
 
Une flamme sacrée brûlait dans ces jumelles cervelles. Il y avait chez les frères Bogdanoff une curiosité intarissable pour le vrai. Une soif inextinguible pour la connaissance. Un émerveillement permanent pour l’Homme, le monde, l’Univers. C’est à dire pour le rêve et le réel. En un mot, pour la Création.
 
Partis si promptement de notre Terre, ils ont rejoint d’autres horizons avec d’autres questions.
 
En quête de Graal mathématique, à travers leurs équations ils cherchaient essentiellement les plans de Dieu.
 
A présent que ces astres sont morts je crois que, bien au-delà de leurs savants calculs, ils ont finalement trouvé l’infini.

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